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The Cosmic Wheel Sisterhood, l’autre nom de la carte aux trésors
Le dernier Deconstructeam est indéniablement leur jeu le plus abouti. En plus, il est livré avec un nouvel album de fingerspit !
Développé par : Deconstructeam
Édité par : Devolver Digital
Musique par : Paula “fingerspit” Ruiz
Disponible sur : PC (testé) (Steam Deck verified), Switch
Test réalisé grâce à une clé fournie par l’éditeur
Les humains s’en sont allés conquérir l’espace. Pour y faire les mêmes erreurs que sur Terre, probablement. Un spectacle duquel même les êtres cosmiques semblent s’être lassés. Demeure toutefois une constante : les immortelles sorcières, établies dans différentes loges, poursuivent leur entreprise séculaire et tissent le destin de l’univers d’une étoffe pour nous autres insaisissable.
Ça, c’est pour la toile de fond. Mais la grande histoire du dernier jeu de Deconstructeam s’efface rapidement devant la petite. Celle de Fortuna, tristement isolée depuis des décennies sur un astéroïde pour avoir contrarié la mère supérieure de sa loge.
Carte joker
Fortuna a rejoint la sororité des sorcières dans les années 60, laissant derrière elle son passé de pizzaiola ambulante ; troquant son van fumant pour un balai magique – c’est moins polluant.
Tout ça pour dire que notre protagoniste s’emmerde. Fermement, avec ça. L’éternité en exil peut prendre des allures d’épreuve introspective forcée. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour un peu de compagnie. Invoquer un·e Béhémoth, par exemple ? Précisément, oui.
On fait rapidement la connaissance d’Abramar, créature cosmique aux allures de homard géant (en beaucoup plus terrifiant). Son apparence n’inspire pas confiance et pourtant Abramar se révèlera vite être un·e précieux·se allié·e. Même si, nous l’apprendrons bien assez tôt, chercher de l’aide auprès d’une telle créature n’est pas gratuit plus qu’anodin.
Cartomancienne de vocation, Fortuna se met donc à se confectionner un nouveau jeu de carte, 200 ans après que Ædana, la mère supérieure qui l’a condamnée à l’exil, lui a confisqué son fidèle tarot.
C’est là l’une des briques essentielles du gameplay de The Cosmic Wheel Sisterhood : au fil des dialogues, et en effectuant quelques actions comme la lecture, on récupère une ressource arcanique permettant de créer de nouvelles cartes. Cartes qui étofferont notre jeu et qui rendront nos prédictions plus variées et toujours plus croustillantes au fil de la partie.
Mercure en rétrograde
Car oui, je ne vous ai pas dit, mais le dernier jeu de Deconstructeam s’inspire beaucoup de The Red String Club (leur premier jeu) et de Coffee Talk (le visual novel génial de Toge). Pour l’essentiel, il s’agira de dialoguer avec différents personnages, d’écouter ce qu’iel a à nous raconter et, souvent, de leur tirer les cartes pour démêler le sac de nœuds qu’est leur existence.
Sans grande surprise quand on connait les jeux du studio espagnol, c’est la grande force de The Cosmic Wheel Sisterhood. Formidablement écrit, il étale une grande variété de personnages sur une toile au rendu magnifique. Chaque arrivée d’un·e nouvel·le invité·e sur notre caillou perdu en plein espace est précédée d’un délicieux frisson. S’agit-il d’une vieille amie qui vient prendre des nouvelles ? Ou d’un être malveillant cherchant l’aval des cartes pour accomplir un sinistre dessein ?
Celles et ceux qui viennent ici en quête d’action risquent d’être un peu déçus. The Cosmic Wheel Sisterhood est un jeu plutôt statique. Concrètement, l’intégralité du jeu se déroulera sur trois ou quatre tableaux distincts : l’écran général, où l’on peut indiquer à Fortuna où se diriger dans sa maisonnée ; l’interface de dialogue, permettant notamment d’apprécier l’incroyable chara design des protagonistes ; le lit de Fortuna, depuis lequel on peut lire une fiction interactive (souvent drôle, parfois tragique) ou faire passer le temps ; et enfin l’autel de confection de cartes.
Cette dernière constituante du gameplay, sans m’avoir déplu, ne m’a pas autant passionné que je l’aurais imaginé. Grâce aux ressources dont je parlais plus haut, on pourra sélectionner une carte, y ajouter un personnage ainsi que des accessoires complexifiant le design et accordant son sens aux cartes. Plutôt instinctif au pad (j’ai joué sur Steam Deck), le placement des différents éléments a un peu frustré le psychorigide que je suis devant la grande difficulté à créer quelque chose de symétrique.
Dans tous les cas, The Cosmic Wheel Sisterhood ne vous oblige à rien. Une fois quatre, cinq cartes en main, on ne vous suggérera que très rarement d’étoffer votre jeu. L’essentiel, après tout, reste le dialogue.

Les voies du cosmos sont impénétrables
Si j’ai tant attendu ce jeu, c’est notamment parce que je suis un grand fan du travail de fingerspit, compositrice et audio director du studio espagnol. Chacun de ses albums est un trésor et, comme je l’écrivais dans ma sélection d’août : elle compose exactement le genre de musique que j’aurais aimé écrire.
La bande originale de The Cosmic Wheel Sisterhood n’est pas qu’un trésor. Elle est la pièce la plus rutilante du coffre. La compositrice y déploie un post rock atmosphérique d’une mélancolie à laquelle il est facile de s’identifier. Sur plus de 3h, les thèmes s’enchaînent sans se ressembler, apportant systématiquement une bonne idée mélodique ou une partition de batterie très claire venant rompre la relative monotonie de certains passages.
J’en parlais dans la dernière newsletter : le titre The Sister est pour moi le plus marquant, en partie pour son riff de guitare d’une ingénieuse simplicité. S’étalant sur plus de 16 minutes (!!), Diplomacy m’a également ensorcelé de ses harmoniques aussi malignes qu’indomptables. Son entrée en scène, surtout quand on a écouté la BO avant de lancer le jeu, est un grand moment.
Mais je le répète : The Cosmic Wheel Sisterhood est un jeu assez statique, et cela joue autant en sa faveur que contre lui. The Red Strings Club n’est pas non plus un jeu d’aventure, mais les différents endroits que l’on visite œuvrent à guider la narration et à dessiner facilement le « but du jeu ». Ici, vous l’avez compris, on est aussi prisonniers que Fortuna. Aussi cosy soit son astéroïde, on finit par y tourner en rond – notamment dans l’un des derniers actes du jeu duquel je ne dirais rien, mais qui m’a obligé à aller dormir en boucle pour qu’il se passe quelque chose.
S’il est formidablement écrit, j’ai parfois eu du mal à saisir où voulait m’emmener le jeu. Prises individuellement, les histoires des sorcières qui viennent nous rendre visite sont toutes passionnantes, touchantes ou dramatiques. On est ravis de leur venir en aide et de, peut-être, changer le cours de leur destin. Mais quand, après plusieurs heures de jeu, l’objectif final commence à se faire plus compréhensible, je suis resté quelque peu sur la touche.
Peut-être est-ce dû à certains choix que j’ai faits. Ce n’est pas feint : le jeu de Deconstructeam laisse apparaître assez clairement ses différents embranchements. Si bien qu’il fait partie des rares qui pourraient me donner envie de relancer une partie pour voir comment les choses auraient pu se dérouler.
Le fait est que j’ai vraisemblablement choisi d’être l’instrument plutôt que la main qui le dirige, et que j’ai passé les dernières heures du jeu à m’effacer devant les envies des autres.
Merde, je suis Fortuna.
The Cosmic Wheel Sisterhood, l’autre nom de la carte aux trésors
Me revoilà, maintenant que j'ai fini le jeu hier ! Bah GOTY tout simplement pour moi hein. Le jeu a certains défauts effectivement, principalement cette longueur de fin où le sommeil reste la seule solution pour accélérer la manœuvre, mais à part ça, il m'a tellement plu ! La musique évidemment pfiou, la track "Sisterhood" en point culminant de la narration, quel plaisir. Mais surtout, la représentation et l'inclusion dans ce jeu, la traduction française d'une rare qualité, la queerness, l'écriture inclusive, moi j'étais comme à la maison.
Je vais pas encore lire parce que je suis dans le jeu et que je préfère pas trop en savoir, mais je me rue sur cette page dès que j'ai fini !