

Découvrez plus de NOWPLAYING : The VGM newsletter
Stray Gods m’a offert le plus beau voyage en Grace
(Faut prononcer le nom à l’anglaise sinon la blague marche pas)
Développé par : Summerfall Studios
Édité par : Humble Games
Musique par : Austin Wintory, Simon Hall, Steven Gates, Montaigne, Scott Edgar, Alex Moukala, Liam Esler, David Gaider
Casting principal : Laura Bailey, Ashley Johnson, Troy Baker, Felicia Day, Mary Elizabeth McGlynn, Rahul Kohli, Janina Gavankar…
Disponible sur : PC (testé) (Steam Deck verified), PlayStation, Xbox, Switch
Test réalisé grâce à une clé fournie par l’éditeur
Si vous aviez dit au Pierre adolescent qui dédie ses nuits à l’assasymphonie de Battlefield 2 qu’un beau jour, le jeu qu’il attendra le plus fébrilement prendra la forme d’une comédie musicale interactive… eh bien il n’aurait probablement rien dit de peur d’exprimer la moindre opinion. Mais il n’en aurait pas moins pensé.
C’est vrai : j’ai un véritable crush sur Stray Gods depuis plusieurs mois. Je ne connais pourtant rien aux comédies musicales ; je suis joueur occasionnel (mais enthousiaste) de visual novels, et je ne connais de Critical Role que son casting légendaire sans avoir jamais pris la peine de regarder un épisode. Alors pourquoi donc le chant des sirènes de Summerfall Studios résonne aussi clairement en moi ?
Je crois que, quelque part, je suis encore plus émo que quand j’avais 13 ans. Et que l’histoire de Grace, la chanteuse au look gothique qu’on incarne dans Stray Gods noircit les bonnes cases de ma grille de lecture.
Il arrive à Grace quelque chose qu’on aimerait tous qu’il nous arrive : quelque chose
Oh elle n’a rien de très original, Grace. Elle a abandonné la fac n’y trouvant pas à sa place, parle peu à ses parents ne se sentant pas comprise, et se cherche une communauté en rejoignant le groupe de sa meilleure amie Freddie.
Mais il arrive à Grace quelque chose qu’on aimerait tous qu’il nous arrive : quelque chose. Bon, là il s’avère que cela prend la forme d’une divinité grecque qui meurt dans ses bras et lui transmet ainsi ses pouvoirs. Dans la vraie vie, j’avoue que je pourrais me contenter d’un vieux pote qui refait surface.
Eagles of Hades Metal
Rapidement, les choses s’emballent pour notre héroïne incarnée par Laura Bailey (World of Warcraft, Uncharted, The Last of Us… je vais pas vous faire la liste), et un conseil constitué d’Apollo, Perséphone, Aphrodite et Athéna lui exige des comptes.
Charge à notre tempétueuse infortune de prouver son innocence sous sept jours. Faute de quoi Grace rejoindra fissa le Club des 27 sans avoir eu le temps de poser sa paume à Hollywood Boulevard.
J’écris tempétueuse, mais le caractère de notre héroïne dépend en réalité de nos préférences. En tout début de jeu il nous est proposé de choisir entre « charmante », « badass » et « intelligente », ce qui aura pour conséquence d’ouvrir autant de possibilités de dialogues que cela en ferme. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise situation, comme dirait l’autre. Mais je me trompe de mythologie.
Non Stray Gods n’est pas assez sadique pour nous fermer toutes les portes. Cela a été maintes fois explicité dans la communication du jeu (c’est même écrit dans le titre) : il s’agit d’une comédie musicale. Aussi beaucoup de dialogues se feront en chanson !
Des morceaux inspirés, souvent divinement composés (parfois inaudibles), sur lesquels on officie autant comme chanteuse que comme cheffe d’orchestre. L’occasion pour le studio d’en mettre plein la vue, qui avec des idées de mise en scène amusantes, qui avec une science de l’écriture à vous arracher de francs sourires. Je me souviendrai longtemps d’une certaine déclaration d’amour, dont la catastrophique maladresse attendrirait le cœur le plus insensible.
Comme dans les conversations, on nous propose à plusieurs reprises un embranchement lyrique qui déterminera non seulement la tonalité de la chanson (sans surprise le trait « Badass » tend à ajouter du piment à la recette), mais aussi d’influencer profondément le cours des événements. Je le sais, parce qu’une mise à jour inattendue du jeu a tout bonnement supprimé ma sauvegarde aux portes de l’épilogue. J’ai donc eu tout le loisir d’expérimenter un cheminement différent. Et n’ai pas été déçu du voyage — une fois que j’ai eu digéré mon seum.
Vous imaginez bien comme il faut marcher sur des œufs (d’Olympe) en écrivant la critique d’un jeu aussi narratif. Je ne veux rien gâcher, d’autant que le scénario s’applique un vernis pour le moins inattendu lorsqu’on prend la peine de s’intéresser à la mythologie imaginée par Summerfall Studios.
Comédie musicaliente
C’était couru d’avance avec son casting inclusif à en faire s’étouffer un éditorialiste dans son vomi : Stray Gods est aussi un jeu qui prône la tolérance, la diversité… et la débauche.
Enfin qu’on s’entende bien, le titre reste très propre sur lui et ne tombe jamais dans les travers d’un otome game. Voyons plutôt cela comme une surcouche de dating sim qui ne viendra jamais se mettre entre Grace et son objectif. Un ajout agréable qui, si l’on manie correctement les options de dialogues, peut déboucher sur des scènes de tendresse voire des chansons inédites.
Dommage, cependant, qu’un jeu à embranchement semble à ce point nous forcer la main vers ce que ses concepteur·ices ont dû imaginer comme le chemin « canon ». En effet certains personnages inspirent tellement peu confiance qu’il est franchement illusoire de nous présenter le choix de les préférer à une amie fidèle comme sérieux.
J’ai d’ailleurs assisté à une scène (à la faveur de ma sauvegarde disparue) où j’ai un peu forcé le destin en optant pour une approche diamétralement opposée à ce que mon cœur me dictait. Le jeu lui-même semblait ne pas y croire, puisque l’enchaînement des dialogues faisait tout simplement redite avec les révélations obtenues.
D’éparses incohérences dans le script qui, soyez-en sûr·e, ne vous dérangeront pas au cours de votre (première) partie. Car oui, Stray Gods, malgré tout, ne feint pas sa rejouabilité.
Bien sûr, le studio embellit la réalité et ne vous laissera jouer les Moires dans la mesure de ce qu’il veut nous raconter. Mais en comparant ma fin avec celle d’Yveri, rédactrice en chef du fort recommandable The Pixel Post, j’étais étonné de constater que l’épilogue n’avait pas du tout la même saveur. De là à dire qu’il y a une bonne et une mauvaise fin tiendrait de la tragédie grecque.
Apollon à la détente
Musique mise à part (on compte plus d’une quarantaine de musicien·nes et technicien·nes aux crédits), Stray Gods est l’effort d’une petite équipe qui, bien que formidablement entourée et forte d’une campagne de financement à succès sur Fig, signe là son premier jeu. Une façon pour moi de poser un délicat index sur ses métaphoriques lèvres avant d’arracher un (petit) pansement.
Passé l’immense plaisir de la découverte de chacun des personnages, on aura parfois l’occasion de se lasser des quelques animations qui les caractérisent. Oui, Stray Gods étant un roman graphique 2D et ses protagonistes se déplacent en stop motion. Les décors, à de rares exceptions, manquent aussi un peu de fantaisie. Même si le style de l’équipe graphique (Benjamin Ee à la direction, Jessica Lee aux personnages et Teja Godson aux environnements) ne manque pas de personnalité, il n’est pas rare de reconnaître çà et là d’évidentes références (Hades, duh, mais aussi The Wolf Among Us).
J’ai un peu plus de mal à accepter les lacunes du mixage audio. Dans certaines scènes un personnage aura toujours un volume plus élevé que ses interlocuteur·ices. J’ai été particulièrement frappé par ce problème sur une autre scène, charnière cette fois, où un personnage capital était honteusement sous-mixé et à peine audible.
Des ratures sur une partition d’une propreté rassurante pour l’avenir du studio mené par David Gaider (précédemment lead writer sur Dragon Age), qui arrive à point nommé pour les trentenaires qui, comme moi, se sont lassés du bruit des M16 et des Jeep qui pataugent dans la bouillasse.
Une parenthèse musicale inspirante qui m’a fait un bien fou, et dont j’autorise les personnages à vivre gratos dans ma tête pendant un temps.
Stray Gods est pour vous si
Vous acceptez qu’une bonne histoire remplace un gameplay engageant
Vous avez chaud en regardant les portraits de personnages dans Hades
Vous aimez la musique adaptative et les envolées lyriques
Stray Gods n’est pas pour vous si
Vous attendez plus que des planches de comics qui parlent
Glee est la pire série du monde à vos yeux
Vous parlez de wokisme au premier degré
Stray Gods m’a offert le plus beau voyage en Grace
Incroyable jeu de mots "Eagles of Hades Metal" je donne un 10/10