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Guillaume Ferran raconte… Jusant
Fraîchement disponible et chaudement accueilli, Jusant permet à l'ex-claviériste de Griefjoy de faire ses premières armes dans la musique de jeux vidéo.
2023 est décidément une très grande année pour le jeu vidéo français. Et non contente de nous mettre entre les mains d’excellents jeux, elle permet aussi à de nouveaux compositeurs de se révéler.
Quelques semaines après que nous avons découvert le travail de Thomas Brunet sur l’hypnotique Chants of Sennaar, j’irradie de bonheur de pouvoir donner la parole aujourd’hui à Guillaume Ferran, qui signe sa toute première bande originale de jeux vidéo. Même si, vous allez vite vous en rendre compte, vous avez déjà très certainement déjà entendu sa patte quelque part.
Je ne sais pas si tu es joueur, mais Jusant a fait partie des grosses attentes de l’année pour beaucoup de monde. Comment tu vis ces derniers jours, maintenant que le projet s’apprête à être découvert par le public ?
Guillaume Ferran : Je suis joueur depuis mon enfance, et j'attends ce moment avec beaucoup d'excitation. Cela fait maintenant 2 ans et demi que je travaille sur la musique, donc forcément je suis impatient de voir les différentes réactions. Mais je dois dire aussi que je ressens un peu de nostalgie à l'idée de dire au revoir à ce projet.
Jusant est un jeu très contemplatif, questionnant la place de l’Homme dans l’immensité de la nature, mais aussi son impact sur l’environnement. Comment tu t’es approprié ces thèmes pour la bande originale ?
GF: Lors des premières réunions avec les équipes de Don't Nod, la question de l'eau et de sa transposition musicale a été très vite abordée, ça constitue vraiment la colonne vertébrale de la B.O.
Tout mon travail a été de faire ressentir sa présence et parfois son absence. Selon les différents biomes, j'ai également travaillé sur la retranscription du vent, de la sécheresse, de la glace... Il fallait faire ressentir à la joueuse ou au joueur, ce à quoi ce monde ressemblait auparavant.
Si je ne dis pas de bêtises, Jusant est un jeu extrêmement taiseux. Ce qui fait que ta musique revêt une importance au moins aussi capitale que les images. Ça met une pression particulière, de savoir qu’on attirera à ce point l’attention ? Qu’on guidera à ce point les émotions des joueur·euses ?
GF : Je ne parlerais pas de pression, mais plutôt de bonheur ! Quand on est compositeur à l'image, on peut être souvent frustré de voir sa musique reléguée au second plan ou parfois sous-mixée en raison de la présence de dialogue, ce qui rend moins audible la richesse des arrangements.
Pour Jusant j'’ai eu la chance d'avoir tout le spectre disponible pour m'exprimer, ça a vraiment été une motivation pour moi, de guider les joueur·euses à travers l'ascension et de participer à leur attachement à l'histoire et aux deux personnages.
‘Champs-d’en-Haut’ est l’un des morceaux les plus courts de l’album, mais aussi mon préféré. Sa mélancolie m’a rappelé le titre ‘Candles’, de la BO du film Monsters, composée par Jon Hopkins. Tu peux me raconter un peu l’histoire de ce titre (sans spoiler le jeu) ?
GF : Merci pour le compliment ! Je suis un grand fan du travail de Jon Hopkins, que ce soit ses BO ou ses albums plus expérimentaux.
C'est un titre effectivement court qui intervient lors de la découverte d'un lieu. Il y en a plusieurs dans la BO. Celui-ci fait partie d'un triptyque avec ‘Impluvium’ et ‘Contre-Jour’ qui interviennent lors du Chapitre 3, Solstice.
Dans Champs-d'en-Haut on retrouve à la main droite la ritournelle mélodique qui représente l'ascension de la tour, présente dans de nombreux autres titres sous différentes formes.
Question miroir : quel est le morceau que tu préfères sur l’album ?
GF : J'ai une préférence pour Ascension qui représente un moment clef dans l'aventure, qui est pour moi le plus poétique en plus d’être graphiquement sublime.
Je me rappelle avoir eu des frissons quand Maïa Collette a interprété avec brio la partition de violoncelle.
Tu es plutôt habitué à composer pour des séries, ou des films. Comment s’est passée ta première avec un jeu vidéo ? C’est Don’t Nod qui est venu te chercher, ou cela s’est fait via des relations communes ?
GF : C'est effectivement ma première expérience dans l'univers du jeu vidéo.
J'étais tellement heureux lorsque Don't Nod m’a écrit pour me parler du projet. Je connaissais déjà le studio et je ne pouvais rêver mieux pour débuter dans ce milieu.
Ils ont découvert mon travail grâce à la vidéo "One Breath Around The World", dont j'ai composé la musique. C'est un court métrage sublime de Guillaume Néry, apnéiste de renommée mondial, qui nage à travers tous les océans du monde. La question de l'eau y était évidemment très présente, c'est ce qui, je pense, a plu aux équipes de Don't Nod.
Tu as travaillé seul sur la bande-son, ou as-tu pu faire intervenir des musicien·ne·s pour enregistrer leurs performances ?
GF : J'ai pour habitude d'interpréter un maximum d'instruments lors de mes sessions d'enregistrements.
Sur cette BO, j'ai eu la chance de travailler avec la violoncelliste Maïa Collette, avec qui j'ai une réelle connexion musicale. Lors de nos différentes sessions, j'ai toujours été admiratif de sa juste expressivité et de la rapidité avec laquelle elle trouvait le bon phrasé.
C’est la question « tarte à la crème » par excellence, mais je m’interroge : est-ce que l’aspect ludique de Jusant a guidé la façon dont tu as composé, ou alors as-tu abordé la BO comme tu l’aurais fait pour un film, une série ? (En clair, ça change quoi de composer pour le jeu vidéo)
GF : Je dois dire que l'approche globale de la composition est restée assez similaire à celle d'un film.
Dans la BO, il y a beaucoup de titres qui ne sont joués qu'une fois lors de l'entrée dans un lieu, ou d’une cinématique. C'est sur les titres plus ambiants où j'ai dû m'adapter et travailler davantage avec un système de boucles pour que la musique fonctionne peu importe le temps où le/la joueur·se mettra à passer le "niveau".
C'était très intéressant pour moi de sortir de ma zone de confort, et c'est d'ailleurs sur ces titres que j'ai dû évoquer les éléments de la nature dont je parlais précédemment. Par exemple ‘Hydrochorie’ avec l'eau ou encore ‘Mouvements’ avec le vent.
Dans ta biographie, sur ta page Bandcamp, tu te revendiques du style néo-classique et évoques notamment Max Richter ou Nils Frahm. D’autres compositeurs ou compositrices t’ont particulièrement inspirés pour la BO de Jusant ?
GF : Dans ma préparation, j'ai énormément écouté de compositeur·ices de musique ambiant. Je pense à Jon Hopkins, cité plus haut, William Basinski, Moby, Julianna Barwick ou encore A Winged Victory For The Sullen.
Je pense que beaucoup de lecteur·ices te connaissent inconsciemment grâce au quatuor Griefjoy dont tu as fait partie. Tu retires quoi de ce chapitre très pop dans ta façon de travailler et de composer pour l’image aujourd’hui ?
GF : Ce groupe a changé ma vie. C'est par ce biais que je suis entré dans une carrière professionnelle musicale.
J'avais déjà un bagage classique grâce à mon apprentissage au conservatoire de Nice. Ce groupe m'a fait travailler la production, les musiques électroniques, et c'est grâce à ce parcours que j'ai acquis les compétences pour être totalement indépendant aujourd'hui dans la composition, l'enregistrement et la production de mes BO.
Je tiens à mentionner également que c'est grâce à la tournée que j'ai rencontré Sylvain de Barbeyrac, ingénieur du son, qui aujourd'hui est le mixeur exclusif de tout mon travail. Je lui dois beaucoup, il a beaucoup de talent.
Tu entretiens quel rapport avec les jeux vidéo ? Il y a des jeux qui t’ont marqué pour leur musique, des compositeurs ou compositrices dont tu admires le travail dans le domaine ?
GF : Comme je l'ai dit plus haut, je joue depuis toujours. Je crois que la première BO qui m'a marqué était celle de Kingdom Hearts. Je pourrais en citer tellement mais je dois dire que celle de The Last Of Us de Gustavo Santaolalla occupe une place particulière dans mon cœur. Côté français je suis fan du travail d'Olivier Deriviere, que j'ai découvert grâce à A Plague Tale.
(Un grand merci à l’équipe de Kid Katana Records d’avoir joué les entremetteuses pour cette interview !)
Écoutez la bande originale de Jusant sur la plateforme de votre choix.
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Guillaume Ferran raconte… Jusant
Je viens de boucler les 2 premiers chapitres du jeu et damn cette musique, j'ai des frissons